REVUES SYSTÉMATIQUES

L’équipe de recherche du Réseau des praticiens canadiens pour la prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violent (RPC-PREV), une organisation associée à la Chaire UNESCO-PREV, réalise une série de revues systématiques afin de synthétiser les données empiriques disponibles en ce qui concerne l’étude de la prévention de la radicalisation menant à la violence. Ces revues systématiques seront la base sur laquelle les comités canadien et international d’élaboration de lignes directrices consensuelles (CCELDC et CIELDC) pour la prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violent travailleront pour la production de recommandations pratiques.

CONTENUS EXTRÉMISTES EN LIGNE ET RADICALISATION VIOLENTE

Objectif

Synthétiser les données empiriques disponibles concernant la façon dont l’internet et les médias sociaux peuvent ou non constituer des espaces d’échange favorables à l’engagement dans différentes formes d’extrémisme violent – tant en ligne que hors ligne

Discussion

Depuis l’émergence des médias sociaux en 2005, l’internet a souvent été décrit comme un vecteur actif de radicalisation violente. Certes, l’accessibilité d’internet et des médias sociaux a largement contribué à la production, la diffusion et la consommation de contenus haineux et discriminatoires. Toutefois, pour le moment, la plupart des recherches disponibles portant sur les liens entre internet, médias sociaux et radicalisation violente sont de nature descriptive et n’offrent qu’un aperçu limité de l’impact réel des pratiques et des stratégies des groupes extrémistes sur leurs cibles respectives. En d’autres termes, le lien entre l’exposition au contenu radicalisé en ligne et les comportements radicalisés en ligne et/ou hors ligne reste relativement inconnu. Ce constat est dû en grande partie au manque d’intégration des preuves empiriques disponibles, ce qui limite les conclusions que le domaine peut offrir quant aux avenues potentielles de prévention, de politiques sociales et de recherche.

Dans cette revue de la littérature, le RPC-PREV et ses partenaires ont examiné la documentation portant sur les effets possibles des contenus radicalisés en ligne sur les attitudes et les comportements des personnes y étant exposées. La revue systématique a permis de :

  • Synthétiser les données empiriques disponibles sur la façon dont l’internet et les médias sociaux peuvent ou non constituer des espaces d’échange favorables à l’extrémisme violent – en ligne et hors ligne;
  • Évaluer l’état, la qualité et la fiabilité des études scientifiques disponibles;
  • Déterminer les lacunes et les limites de la documentation et souligner les besoins en matière de recherche future sur le sujet.

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PROGRAMMES VISANT À PRÉVENIR LA RADICALISATION VIOLENTE

Objectif

Synthétiser les données empiriques disponibles afin de savoir si les initiatives de prévention primaire et secondaire et d’intervention en matière de radicalisation et d’extrémisme violent fonctionnent réellement.

Discussion

Au cours des deux dernières décennies, les attentats terroristes se sont multipliés et globalisés, affectant de nombreuses sociétés dans le monde. Le public et les décideur·euse·s politiques, craignant de plus en plus les attaques potentielles, ont massivement investi dans des efforts pour contrer la radicalisation et l’extrémisme violent.

Dans ce contexte, de nombreux programmes de prévention primaire et secondaire et d’intervention ont été mis en place dans plusieurs pays du monde. Ces efforts ont entraîné une participation accrue de plusieurs secteurs allant au-delà de la sécurité nationale, tels que la santé mentale et l’éducation, de même que les systèmes juridiques et pénitentiaires.

À titre d’exemple, aux États-Unis seulement, environ un (1) trillion de dollars ont été investis dans des programmes visant à contrer les activités terroristes entre 2001 et 2011. Même si la plus grande partie de cette somme a été dirigée vers les agences de surveillance et de sécurité, certaines ont aussi été consacrées à des programmes visant à prévenir la radicalisation des populations vulnérables et à réintégrer des individus déjà radicalisés ou en voie de l’être.

Bien que la rapidité avec laquelle ces programmes ont été élaborés et mis en œuvre soit louable, leurs effets positifs et négatifs n’ont pour la plupart pas été évalués et leur efficacité demeure donc inconnue. Ancrée dans les conflits psychologiques, la question des effets iatrogènes est particulièrement importante en ce qui a trait aux programmes de prévention et d’intervention.

En somme, pour le moment, le succès relatif de programmes de prévention primaire et secondaire et d’intervention demeure en grande partie une question d’opinion et peut difficilement s’apprécier à partir de preuves scientifiques. Les praticien·ne·s basent leurs programmes de prévention et d’intervention sur l’expertise développée localement et sur des résultats obtenus au cas par cas. Or, la mise en œuvre hâtive de programmes, en l’absence de données probantes intégrées en ce qui concerne leurs résultats, leur transférabilité et leurs avantages pour les communautés, pourrait être contre-productive ou même entraîner des préjudices pour les populations visées.

Afin d’informer les décideur·euse·s et les praticien·ne·s quant aux programmes qui fonctionnent réellement, l’équipe du RPC- PREV effectuera deux revues systématiques qui aborderont les questions suivantes:

  • Les programmes de prévention primaire et secondaire et les programmes d’intervention sont-ils réellement en mesure de contrer la radicalisation violente?
  • Y a-t-il des modalités spécifiques associées à une plus grande probabilité de succès ou d’échec au sein des programmes?
  • Quelles sont les recommandations fondées sur des données probantes à l’intention des professionnel·le·s travaillant dans le domaine de la prévention et de l’intervention?

Étant donné que les données préliminaires suggèrent que les programmes de prévention et d’intervention ne touchent pas nécessairement les mêmes populations, l’équipe de recherche du RPC- PREV a décidé de les traiter dans deux revues systématiques distinctes, l’une portant sur les programmes de prévention et l’autre sur les programmes d’intervention.

DÉSENGAGEMENT DES PERSONNES ADHÉRANT À DES IDÉES/COMPORTEMENTS RADICAUX VIOLENTS

Objectif

Synthétiser les données empiriques disponibles afin d’évaluer si les initiatives d’intervention en matière de radicalisation et d’extrémisme violent fonctionnent réellement.

Discussion

Parmi les approches d’intervention sur la radicalisation menant à la violence, la réinsertion sociale ou les approches dites de prévention tertiaire sont parmi les plus utilisées. Elles cherchent à réhabiliter les personnes qui ont effectivement fait partie d’un groupe extrémiste ou qui sont considérées comme radicalisées. Il existe au moins deux (2) types de programmes :

  1. Programmes de désengagement qui visent généralement à réhabiliter des individus ou des groupes radicalisés – présumés ou condamnés – et à les réintégrer dans la société ou, du moins, à les dissuader de recourir à nouveau à la violence politique;
  2. La «déradicalisation», un processus qui consiste à tenter de changer le système de croyances d’un individu afin de rejeter une idéologie extrémiste et d’adopter les valeurs de la majorité (Rabasa, Pettyjohn, Ghez, & Boucek, 2010).

Lorsque ces mesures visent des individus qui ont commis des actes terroristes, elles sont considérées comme des mesures de prévention de la récidive, car elles visent à réduire la probabilité que ces individus commettent à nouveau un acte terroriste.

Afin d’informer les décideur·euse·s et les praticien·ne·s sur les approches d’intervention qui fonctionnent réellement, l’équipe du RPC- PREV effectuera une revue systématique qui abordera les questions suivantes:

  • Les programmes d’intervention sont-ils réellement en mesure de contrer la radicalisation violente?
  • Y a-t-il des modalités spécifiques associées à une plus grande probabilité de succès ou d’échec au sein des programmes?
  • Quelles sont les recommandations basées sur des données probantes à émettre pour les professionnel·le·s impliqué·e·s dans les efforts de prévention/intervention de type tertiaire?

OUTILS ET PROCÉDURES D’ÉVALUATION DU RISQUE DE RADICALISATION VIOLENTE

Objectif

Synthétiser les données empiriques disponibles sur la fidélité, la validité et les avantages et inconvénients des outils et procédures visant à évaluer le risque de radicalisation violente.

Discussion

L’évaluation du risque de délinquance et de violence s’est imposée comme la pierre angulaire des pratiques correctionnelles modernes, puisqu’elle permet d’estimer le risque que posent les individus pour eux-mêmes et pour la société, en fonction de leurs caractéristiques personnelles et de leur environnement social. Depuis les années 1980, les outils d’évaluation du risque ont été largement utilisés par les professionnel·le·s nord-américain·e·s et européen·ne·s en sciences sociales afin de structurer les décisions importantes qu’ils·elles doivent prendre au quotidien en matière d’intervention. Ainsi, il n’est pas surprenant que de tels outils et procédures aient été mis au point pour évaluer le risque d’un individu à s’engager sur une trajectoire de radicalisation violente ou de commettre des attentats.

Cependant, peu d’études ont évalué la fidélité, la validité et la balance des avantages et inconvénients de ces outils/procédures pour la société et pour le client ou la cliente évalué·e. La cinquième revue systématique du RPC-PREV portera donc sur les enjeux ci-dessous.

Fidélité

Ces outils et procédures produisent-ils des résultats similaires lorsque différent·e·s professionnel·le·s évaluent le même cas (accord «inter-juges»)? Produisent-ils des résultats similaires lorsque le même cas est évalué à des moments différents (fidélité test et «retest»)? Ont-ils une bonne cohérence interne?

Validité

Ces outils/procédures mesurent-ils le phénomène qu’ils sont supposés mesurer? Prédisent-ils les comportements attendus (validité prédictive)? Correspondent-ils à des mesures similaires du même phénomène (validité convergente)?

Avantages et inconvénients

Quels sont les avantages et les inconvénients de ces outils et procédures pour la sécurité publique et pour la personne évaluée? Les avantages l’emportent-ils sur les inconvénients potentiels (stigmatisation, fausses accusations, privation de libertés individuelles et collectives)?

 

L’examen permettra d’intégrer des données probantes sur les outils et les procédures visant à évaluer le risque de radicalisation violente. Elle tiendra également compte de leur transférabilité et de leur applicabilité au contexte canadien en tenant compte des questions et des coûts liés à la mise en œuvre dans la communauté.

MÉTHODES ET OUTILS D’ÉVALUATION DE PROGRAMMES DE PRÉVENTION ET INTERVENTION DE LA RADICALISATION MENANT À LA VIOLENCE

Objectif

Synthétiser les données empiriques disponibles sur la façon dont les initiatives de prévention et d’intervention CVE/PVE ont été évaluées.

Discussion

Suite à la montée récente des actes terroristes dans différentes régions du monde, les programmes de prévention et d’intervention se sont multipliés. Cette augmentation n’a malheureusement pas été accompagnée de la construction d’une base conceptuelle, organisationnelle et empirique bien définie comme terrain d’intervention. Heydemann explique par exemple que « ce flou dans les frontières renforce les perceptions autour du CVE comme une catégorie fourre-tout » (2014, p.10). Tant les intervenant·e·s que les décideur·euse·s se retrouvent avec peu d’éléments fondés sur des pratiques prometteuses ou qui ont fait preuve d’efficacité dans ce domaine pour orienter leurs actions, ce qui fait des évaluations l’un des principaux enjeux.

 

Malgré ce déficit, il existe, parmi les chercheur·euse·s, les intervenant·e·s et les décideur·euse·s,  un certain consensus sur le besoin de développer des modèles d’évaluation adaptés à ce type de programme. Pour les intervenant·e·s, les évaluations permettent d’améliorer leur pratique. Pour les chercheur·euse·s, elles permettent de mieux comprendre les mécanismes et les processus qui expliquent le succès ou l’échec des interventions. Finalement, pour les décideur·euse·s, elles permettent de guider la politique publique et de rendre plus efficaces les sources limitées de financement.

Afin d’informer les décideur·euse·s, les praticien·ne·s et les chercheur·euse·s sur les méthodes les plus appropriées pour évaluer ce type de programme, la Chaire UNESCO-PREV, en partenariat avec le RCP-PREV, effectuera une revue systématique qui abordera les questions suivantes:

 

  • Quelles sont les méthodes, les indicateurs et les types d’évaluation les plus appropriés pour mesurer l’efficacité de ce type de programme?
  • Quelles sont les recommandations fondées sur des données probantes à l’intention des professionnel·le·s travaillant dans le domaine de la prévention et de l’intervention?